Mohammed El Fazazi, imam extrémiste emprisonné au Maroc pour sa participation aux attaques
terroristes perpétrées à Casablanca en 2003, a rédigé, en date du 21 juillet 2009, une lettre à sa fille,
désavouant certaines formes de violence.
Ma fille m’a posé quelques questions dans le but d’obtenir des réponses sur la situation des immigrants
musulmans en Allemagne et leur relation avec l’État allemand. Je suis véritablement heureux qu’elle ait
abordé ces sujets avec moi car cela m’offre la d’exprimer mes idées et mes opinions quant à ces thèmes
et d’apporter des réponses à ceux qui les cherchent.
Je souhaiterais tout d’abord déclarer qu’auteur de ces lignes, Muhammad ben Muhammad El Fazazi, je
n’ai nullement été forcé d’écrire ce qui suit. Je ne fais l’objet d’aucune pression en les rédigeant, parce
que je suis en prison ou parce que je suis contraint de le faire, ni parce que je veux prétendre quoi que ce
soit. Et pour preuve, cet écrit traite d’arguments logiques et d’arguments de la sharia que je vais énoncer
ici.
En outre, ma situation dans une prison marocaine est assez inhabituelle, du fait des droits dont je jouis ici
et du respect que l’on me porte. Je ne manque de rien, si ce n’est de liberté, et j’en ai appelé à Allah Tout
Puissant pour la retrouver le plus vite possible. Et cela s’explique comme tout le monde le sait, y compris
le gouvernement marocain, par le fait que les accusations à mon encontre, concernant les attaques
commises à Casablanca, sont fausses. Elles représentent une énorme erreur de la part des services secret
marocains. Cette erreur doit être réparée.
« Je suis Musulman, et rien d’autre ».
S’agissant des questions portant sur le contenu de mes opinions et mes points de référence religieux
avant que je n’emménage dans la ville allemande de Hambourg, voici ce que je pense : je suis un individu
dont la personnalité est issue de la diversité et, pour résumer, je peux dire que je ne crois pas vraiment en
Dieu de la manière dont certaines personnes pensent, ni n’invoque les arguments que ces hommes
avancent.
Je ne suis pas de cheikh particulier en dehors du Coran et de la Sunna du prophète. Hormis cela, je suis
quelqu’un de moderne. J’ai été pendant 32 ans professeur de français et de mathématiques, et j’ai
également, pendant plus de 30 ans, servi la Da'wa, et me suis consacré à la prédication sous les auspices
du ministère des Affaires islamiques au Maroc. En d’autres termes : je suis Musulman, et rien d’autre. Je
ne suis pas un djihadiste salafiste et je ne suis pas un salafiste traditionnel. Je ne suis pas un Frère
musulman ou quoi que ce soit d’autre. Je suis Musulman, et rien d’autre.
Quant à mes livres et mes discours ou prêches (qui contiennent en partie des opinions terribles sur mes
opposants), il convient de les replacer dans leur contexte, en termes de temps et de lieu, et de ne pas y
accorder d’autre interprétation que celle qu’ils contiennent réellement. Je dis ici publiquement avoir fait
l’objet d’attaques perverses de cercles gauchistes au Maroc. J’ai subi des pressions, été insulté, été cité de
manière erronée dans les journaux et les forums. Et une grande partie de ce que j’ai écrit dans mes livres
constituait une réponse à ces attaques et un acte d’auto‐défense. Et j’admets avoir été trop loin et avoir
dépassé l’objectif dans ma tentative de contrer ce que mes opposants de gauche et d’autres forces
disaient sur moi. C’est donc dans ce contexte que mes livres et mes articles doivent être compris.
« Je me suis écarté de certaines de mes croyances »
Sans aucun doute, les longues années que j’ai dû passer derrière les barreaux en prison m’ont donné la
possibilité de me recueillir et de réfléchir en toute quiétude. Je n’ai pas honte d’avouer qu’il m’est arrivé
de réfléchir sur mon univers de pensées et m’être écarté de certaines de mes croyances. Il s’agit d’un fait
louable et à ne pas regretter.
Quant aux questions relatives aux immigrants musulmans et à l’État allemand ou aux États occidentaux de
manière général : les premiers qui devraient répondre à ces questions sont les érudits qui ont eux‐mêmes
émigrés, car ils connaissent davantage les détails et en savent plus sur ces relations particulières ; ils les
vivent au quotidien, sont soumis au comportement des institutions étatiques et sont en contact avec la
population.
Mais si je devais dire quelque chose à ce sujet, en tant qu’individu qui, à deux reprises seulement, a passé
deux semaines en Allemagne (pas suffisamment de temps pour me permettre de bien connaître les gens
et le pays, ni même la communauté musulmane qui y réside), alors je dirais qu’un immigrant musulman,
d’où qu’il soit, est généralement venu en Allemagne pour y apprendre quelque chose ou pour travailler,
être soigné ou que sais‐je encore. L’Allemagne l’a accepté sous certaines conditions.
« L’Allemagne n’est pas un champ de bataille »
Pour que ces conditions soient formulées, certains formulaires ont été remplis et certains contrats ont été
conclus. Je parle ici de véritables contrats qu’il convenait de respecter. Dans la réalité, c’est ce que l’on
appellerait un Ahd al‐Amam, un contrat de sécurité pour les deux parties, et Allah dit dans son livre saint :
« Vous qui bénéficiez de la sécurité, respectez les contrats ».
Il s’ensuit dès lors que toute rupture de ces contrats (par ex., en déclarant que le vol est halal, ou en
autorisant le massacre de la population au nom du jihad, ou encore en essayant de construire des cellules
qui mettent les individus dans un état de peur et d’horreur, etc.) constitue, à mes yeux, une violation du
contrat et une trahison au regard de ce qui a été signé à l’ambassade, au consulat ou dans le bureau de
l’immigration.
L’Allemagne n’est pas un champ de bataille. L’Allemagne, c’est un lieu de travail, une école du savoir, des
ateliers pour les investissements, des hôpitaux pour se soigner et un marché pour la vente des biens. Dit
autrement, l’Allemagne est un lieu de coexistence pacifique et de vie agréable, notamment car la police et
les juges allemands (…) protègent les étrangers et prennent soin d’eux.
« Groupe d’idiots tournés vers le passé »
Bien entendu, il existe des gens, et ces derniers ne sont pas cultivés, qui disent que l’Allemagne est un
État membre de l’OTAN et que l’Allemagne fait partie de ces États qui combattent les Musulmans en
Afghanistan et encouragent l’État d’Israël.
Je dis que c’est vrai. Une injustice demeure une injustice, et chacun doit se lever contre l’injustice, y
compris le peuple allemand. Je sais que (le peuple allemand) s’oppose à la guerre et à l’occupation et qu’il
a, à plusieurs reprises, exprimé publiquement son refus de la guerre en général.
Il incombe aux immigrants de débattre et de discuter avec ce peuple. (Cela devrait se faire) au moyen de
manifestations, de grèves et de protestations pacifiques n’ayant rien à voir avec des attaques aveugles, le
massacre de personnes innocentes sous prétexte de vouloir tuer les kuffar, ou non‐croyants.
Le rejet de l’Allemagne ou d’une autre politique étrangère doit être organisé au moyen de méthodes de
résistance civiles et pacifiques.
La force d’un argument ne réside pas dans la balle d’un fusil, dans la violence ni dans des ceintures
explosives. Ces éléments n’y changeront rien. Ils ne feront que renforcer le retard des Musulmans et leur
image de groupe d’idiots tournés vers le passé dont la place est dans des cavernes et non dans les rues de
Hambourg, Francfort, Berlin, ou d’autres villes encore. C’est ce dont il s’agit.
« Je prône la coexistence pacifique »
Je souhaite également ajouter, en des termes clairs, que la ville de Hambourg (car la question qui m’a été
posée concernait Hambourg) est une ville comptant un grand nombre de sectes religieuses, d’idéologies
et d’orientations politiques. Hormis cela, les communautés religieuses islamiques (pour les raisons que j’ai
déjà évoquées et d’autres raisons généralement acceptées) s’y sont établies. Les mosquées sont ouvertes,
elles sont nombreuses et protégées. Il y a une véritable liberté de religion qui n’existe pas dans beaucoup
d’États musulmans. Les choses que les gens instruits et les prêcheurs peuvent dire dans ce pays ne
peuvent être dites dans certains pays musulmans.
Les manières et de possibilités de s’exprimer sont nombreuses et à la portée de tous. Ce qui, encore une
fois, n’est pas vraiment le cas dans le monde musulman. Il n’existe aucune interdiction s’agissant du
prosélytisme pacifique de l’Islam. En termes de possibilités légales et de relations générales entre hôte et
invité, chacun peut exprimer son opinion et déclarer sa foi.
Je ne pense pas que les dirigeants de ce pays (Allemagne) fermeraient les portes de leur bureau ni
boucheraient leurs oreilles face aux demandes de la communauté musulmane. C’est pourquoi je prône la
coexistence pacifique. Le vaste monde d’Allah est ouvert à tous ceux qui n’en sont pas capables. Et tous
ceux qui ne voient que par le massacre, le sang, le vol et le cambriolage n’ont rien à faire dans la religion
d’Allah l’Exalté, ni en Allemagne, ni ailleurs.
« La bouchée de nourriture qu’il a gagné est savoureuse et délicieuse ».
En ce qui concerne le fait de gagner sa vie, le travail et le chômage, je ne pense pas qu’il soit permis de se
reposer sur l’État allemand et d’attendre de gagner de l’argent sans travailler, en revendiquant à la place
des allocations de chômage ou d’autres avantages encore. Il est vrai qu’il existe certains secteurs
d’activité qui sont inappropriés pour les Musulmans, mais il est également vrai qu’il existe beaucoup,
beaucoup d’autres possibilités de travail qui, d’un point de vue islamique, sont halal et donc autorisés.
Il est préférable qu’il (le Musulman) vive du travail de ses mains et de la sueur de son front car la bouchée
est alors savoureuse et délicieuse.
Quant à ceux qui, dans les rues de Hambourg, pensent au jihad sur la voie de Dieu, ils devraient penser à
la vie, car c’est le véritable jihad sur la voie de Dieu. Le simple fait qu’il existe 46 salles de prière à
Hambourg est, en soi, une preuve de la tolérance démontrée par l’État allemand envers les Musulmans.
Aucune ville d’aucun pays islamique ne compte un aussi grand nombre d’églises. J’ai connaissance des
fractions existantes entre les fondateurs de ces mosquées et même au sein des communautés spécifiques
de ces mosquées. Ces fractions sont d’ailleurs devenues une des caractéristiques majeures des
Musulmans. Cette triste situation affaiblit le pouvoir des Musulmans.
Même lorsqu’ils veulent engager le dialogue avec l’État allemand au sujet de certaines questions, ils
désorientent l’État avec tous ces conflits.
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